Le décolleté dos est un symbole de sensualité féminine.

Depuis le Moyen-Âge la mode décore le dos des femmes, seule partie de notre corps que l’on ne peut voir ou toucher entièrement

Au delà du regard des autres, notre capacité d’action et de créativité sur cette partie de notre corps est pleine de belles perspectives pour exprimer sensualité, féminité, ou juste pour s’amuser… https://images.app.goo.gl/3SuR14VBrR9uKGNd7

En écho à l’exposition « Back Side dos à la mode » (Musée Bourdelle), nous regarderons comment peintres, designers de mode, photographes, sculpteurs dévoilent les dos? Et comment s’en inspirer pour mettre en avant cette partie de notre corps souvent oubliée?

Dans notre société obnubilée par le visage, le dos est un sujet original et inattendu

Le dos absent

A Paris, les shows officiels voient défiler des milliers de silhouettes. Ceux qui n’auront pas la chance d’assister aux défilés découvriront les tenues sur internet en quelques secondes. 

Cependant soumises à la vitesse frénétique de leur diffusion, seules les vues des modèles de face sont retenues, celles de profil et de dos nécessitant trop de temps pour être mise sur réseau.

Ce point de vue fait l’impasse sur la nature tridimentionnelle du corps et du vêtement. On peut s’interroger sur l’impact d’une telle diffusion qui se réduit à une simple vision de face.

« Un dos courbé n’est pas seulement un dos courbé. C’est le monde entier. » Antoine Bourdelle

Alors chacune à sa façon, au quotidien ou pour un évènement exceptionnel, petit tour d’horizon des décolletés iconiques

Au début du dos:

la nuque

Les premiers dos dénudés, chastes, apparaissent à la toute fin du XIXème siècle en ne dévoilant que la nuque et le haut du dos.

Que ce soit en littérature ou en peinture, la nuque revêt un potentiel fantasmatique exacerbé. Lieu de transition entre la tête et le corps, zone où siège l’énergie vitale, et plus encore lieu de désir échappant au contrôle de son ou sa propriétaire, ce fragment corporel donne à lire tout un imaginaire érotique qui transparaît dans bon nombre d’œuvres.

Le peintre danois Wilhelm Hammershoi ne peindra dans l’ensemble de son oeuvre que des femmes vues de dos, en insistant sur la lumière de leurs nuques. https://fr.wikipedia.org/wiki/Vilhelm_Hammersh%C3%B8i

La nuque, nouveau lieu du désir? https://www.lexpress.fr/styles/beaute/la-nuque-nouveau-lieu-du-desir_478420.html

« On peut s’éprendre d’une femme pour une manière de ramener ses cheveux sur sa nuque, pour la négligence dans sa voix, ou la lumière sur ses mains. Pour une raison aussi simple, on abandonne le tout de sa vie. » Christian Bobin
 
 

Commencez par regarder votre nuque et le haut de votre dos dans un miroir.

Comment la mettre en valeur?Une coupe courte, un chignon relevé ou un macaron bien calé dans le creux du cou sont les points de départ pour descendre la courbe de votre dos

Portez vos chemises, robes ou mailles légèrement basculées vers l’arrière, comme les geishas avec leurs kimonos

Beaucoup de designers de mode conçoivent les dos comme des « surprises »

Inspiré par le kimono, le nœud de ceinture Obi et la sensualité des nuques dans l’esthétique japonaise, le couturier Christóbal Balenciaga travailla les lignes de force du corps féminin en prolongeant le dos par des volumes d’une ampleur inédite. https://madame.lefigaro.fr/style/balenciaga-moderne-symphonie-formes-220412-228648

Toute une catégorie de décolletés dos dits « bénitiers », sont construits sur ce principe de parties volumineuses et de creux qui apportent un relief à la silhouette, encadrent et mettent en valeur la partie dénudée.

Christian Dior déclina aussi à l’infini la rhétorique du dos des femmes, dans des décolletés plus ou moins profonds, plongeants, en V ou en corolles https://www.cosmopolitan.fr/christian-dior-histoire-de-la-maison-de-luxe,2033462.asp

Charlize Theron pour Dior

« Le plus beau vêtement d’une femme, c’est sa nudité. » Yves Saint Laurent

Les dos de danseuses inspirent les peintres, en particulier depuis Degas.

Le décolleté dit « Dos de danseuse » est facile et élégant. Un incontournable dans sa garde-robe

Trisha Brown, figure majeure de la danse contemporaine, présente en 1994 « If you couldn’t see me », un solo décolleté entièrement dansé de dos. https://trishabrowncompany.org/repertory/if-you-couldnt-see-me.html

Trisha Brown joue de l’interdiction faite aux acteurs de théâtre classique de montrer leur dos au public.

L’artiste plasticien américain  Robert Rauschenberg collabore à la pièce en composant la musique et en dessinant la robe de la chorégraphe dont il encadre la musculature dorsale par un grand décolleté. https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Rauschenberg

Les festivals de cinéma du monde entier célèbrent le dos des actrices: petit tour d’horizon du grand plongeon

En 2018, Clare Waight Keller, crée pour la maison Givenchy une nouvelle interprétation du dos nu avec l’ensemble « Thais » pour sa première collection haute-couture.

Le modèle sera porté par l’actrice Cate Blanchett, alors présidente du jury, pour la montée des marches du festival de Cannes 2018 et fera le tour du monde.

En 1972, la robe décolletée dos portée par Mireille Darc dans le film d’Yves Robert « Le grand blond avec une chaussure noires » marque des générations entières.

L’impact de la robe sur le réalisateur et son équipe fut tel qu’il fit modifier le scénario du film afin de lui consacrer une scène entière, désormais emblématique.

Personne ne préviendra Pierre Richard au moment de tourner la scène.  L’acteur confiera plus tard : « La première vision que j’ai eue de Mireille Darc, c’est d’abord ses yeux…et puis la raie des fesses. ».

Le cinéma célèbre les dos, tous genres confondus

Des décolletés plus subtils pour des femmes iconiques: Romy Schneider dans « la piscine »

Audrey Hepburn dans « Breakfast at Tiffany’s »

A l’instar de la peinture, la photographie, s’intéresse au dos dès ses débuts.

Jean-Loup Sieff est certainement celui qui a le plus apprécié ce point de vue, selon lui « plein de promesses ». Au point de lui consacrer en 1985 un portefolio intitulé « Back is beautiful ». https://www.jeanloupsieff.com/parcours.php

« J’ai souvent travaillé le vêtement comme un jeu sur le contraste, une face stricte et structurée s’associait à un dos ouvert au mouvement, comme un mariage de deux extrêmes, une asymétrie nécessaire. » 

Dans les langues occidentales pourtant, le dos est toujours connoté négativement.

• Dos au mur
• Faire le gros dos
• Faire le dos rond
• Courber le dos
• Plier le dos
• Se mettre quelqu’un à dos
• Se laisser manger la laine sur le dos
• Avoir quelqu’un sur le dos
• Amener par la peau du dos
• Casser du sucre sur le dos
• Froid dans le dos
• Parler derrière le dos…

On associe le dos au labeur, à la traitrise, à la soumission ou à la fatigue.

Peut-être parce que le dos, partie la plus endurante au poids, souligne nos limites physiques.

Pourtant, dans l’histoire des codes vestimentaires, le dos sera aussi l’espace idéal pour signifier puissance et pouvoir notamment grâce aux traines.

Le mouvement naturel du corps vers l’avant permet à la mode de placer dans le dos des traînes ou des volumes qui en prolongent la ligne.

La traîne distingue les gens fortunés et puissants. Signe de majesté, cet excès de tissu forme un sillage qui délimite au sol un espace interdit aux autres et fait du dos le point focal de l’attention.

A partir du XIXème siècle, la traîne devient l’apanage des robes de mariées et, dans des proportions plus mesurées, des robes du soir.

La marque

Le dos est la surface plane la plus étendue du corps. Ainsi, dès la fin du XXème siècle, la mode place dans le dos les décors les plus divers à destination des personnes qui les regardent et non de celui qui les porte.

Nés au début du XXème siècle, avec le dossard de sport identifiant le nom des athlètes, les messages utilitaires, décoratifs ou contestataires se déploient librement sur le dos des vêtements de ville dès 1960.

A partir des années 80, les marques de mode prennent conscience du potentiel publicitaire du dos, des nuques et des reins de leur clientèle. Entre message et motif, la mode y inscrit initiales et logos, comme un signe d’appartenance, de distinction et de reconnaissance.

Le tatouage signe le dos et le rend unique pour toujours

Malgré la difficulté anatomique de pouvoir accéder au dos, lacets, rubans, crochets, boutons et glissières sont les fermetures sensuelles mais contraignantes réservées à la gent féminine depuis la fin du XVème siècle.

Rares sont les vêtements masculins qui dans l’histoire de la mode se ferment dans le dos, l’homme ne veut pas être asservi par sa garde-robe. Et la femme moderne non plus! On préfère une femme libre de ses mouvements dans son vêtement.

Au quotidien comme pour un soir, l’équation du confort et de la sensualité, c’est la maille dos nu sur pantalon

Petite conclusion chronologique

Au sortir de la première guerre mondiale, les canons de beauté évoluent, favorisés par la pratique des bains de mer. Dans ce cadre, les femmes émancipées peuvent exposer leur dos dans l’espace public sans plus choquer la morale.

Cette pratique s’étendra aussi aux robes du soir aux décolletés mis en valeur par les danses à la mode, dont le tango.

Si le décolleté se creuse avec les années 20, les années 30 lui donnent ses lettres de noblesse, comme dans Gastby le Magnifique. https://deavita.fr/mode/robe-charleston-annees-20-gatsby/

Puis le succès du dos nu est favorisé par les lois de la censure du cinéma hollywoodien dès 1931 qui interdisent de montrer la poitrine. https://www.cineclubdecaen.com/analyse/cinemaetcensureauxetatsunis.htm

Depuis, une femme vêtue d’un sévère fourreau noir et qui, d’une volte-face, révèle un décolleté plongeant continue de provoquer l’émoi.

En dévoilant l’une des parties les plus vulnérables de son corps, elle tisse un jeu psychologique subtil entre son dos dénudé et le regardeur invisible à ses yeux.

« Le temps est venu que les femmes se mettent à créer leur propre matériau érotique »

Comme le dit Maia Mazaurette, (chroniqueuse sexe Le Monde), prendre en main son érotisme c’est créer et choisir. Le dos est un support formidable pour susciter l’émoi comme on en a envie!